Lettre ouverte à Madame la Préfète de l’Ariège

Madame la Préfète,

Nous, enseignants du collège Bayle de Pamiers, venons d’apprendre avec stupéfaction l’expulsion du territoire français du papa de deux de nos élèves vers l'Arménie les laissant seuls en France avec leur maman.

Nous sommes profondément choqués de cette décision.

Nous sommes choqués sur la forme, ce monsieur ayant été appréhendé jeudi 11 novembre, jour de l'armistice, quelle ironie, premier jour d’un week-end prolongé durant lequel les possibilités de recours étaient très réduites pour lui et sa famille. De plus, il a été expulsé le samedi matin sans attendre les conclusions de la justice qui avaient jusqu’au samedi soir pour statuer sur sa situation. Que dire de cette entorse à l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme que la France a pourtant ratifiée ?

Nous sommes aussi et surtout choqués sur le fond. Depuis plusieurs années, nous et nos collègues du primaire, avons suivi, aidé, accompagné ces deux enfants particulièrement assidus et volontaires. Nous leur apprenons les valeurs d'accueil, de Fraternité de la République, nous les aidons à construire leur future citoyenneté et nous constatons leurs progrès quotidiens. ILs sont de ces élèves qui rendent notre métier si beau, si utile... Que vont peser ces années de lente et patiente construction face à la brutale tragédie qui leur arrive ? A quoi auront servi ces années avec leurs enseignants, avec leurs camarades face à l’absence de leur père ? Comment vont-ils envisager l’avenir que nous leur proposions seuls avec leur mère, brisés par la séparation ?

Nous ne pouvons que nous révolter face à ces méthodes qui contreviennent à tout ce qui fait notre métier et la mission que nous a confiée la Nation : aider à la construction des futurs adultes de ce pays quelles que soient leurs origines, leurs nationalités.

Cet acte d'expulsion dont l’humanité est plus que discutable vient non seulement stopper net les efforts de ces enfants et de leurs enseignants jetant au sol les valeurs que nous efforçons de transmettre mais surtout détruit l’unité familiale sans laquelle l'épanouissement d’un enfant n’est pas possible.

Il nous semble cependant qu’il n’est jamais trop tard quand il s’agit de l’enfance, c’est pourquoi, Madame la Préfète, nous vous demandons humblement de bien vouloir reconsidérer votre décision.

Veuillez agréer de nos salutations républicaines.

Les enseignants du collège Bayle de Pamiers.

La Ligue des Droits de l'Homme de l'Ariège Et le Réseau Education Sans Frontière 09 S’associent à cette requête.